La Caisse nationale d’assurance maladie a été condamnée pour homicide involontaire par le tribunal judiciaire de Strasbourg, le 13 novembre 2025.
Jeudi 13 novembre, le tribunal judiciaire de Strasbourg a condamné l’Assurance maladie pour homicide involontaire. En décembre 2023, une médecin s’était donnée la mort en se défenestrant sur son lieu de travail.
50 000 euros d’amende et 2 000 euros de dommages et intérêts. Le tribunal judiciaire de Strasbourg a prononcé ce jeudi 13 novembre une condamnation historique pour la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), reconnue coupable d’homicide involontaire sur une ancienne salariée. Le 12 décembre 2023, la docteure Catherine Dumas-Pierog s’était défenestrée sur son lieu de travail. Après avoir reçu son planning de travail du mois de janvier, la médecin avait quitté son fauteuil pour se diriger vers la fenêtre de son bureau, situé dans les locaux de l’Assurance maladie, au quatrième étage du 2 rue Lobstein, à Strasbourg. La chute de quinze mètres lui avait été fatale.
La présidente du tribunal Isabelle Karolak a motivé la condamnation. À commencer par le lien clairement établi entre les conditions de travail de Catherine Dumas-Pierog et son suicide :
« Le fait que la victime se soit suicidée sur son lieu de travail, après réception de son planning de travail du mois de janvier, permet d’établir un lien entre sa défenestration et les conditions de travail de la salariée. Lien qu’elle a d’ailleurs expliqué dans un mot laissé sur son bureau. »
Une souffrance ignorée
Lors de l’audience du 9 octobre 2025, l’inspectrice du travail, Marlène Dangeville, avait rappelé l’obligation légale qui incombe aux employeurs d’évaluer et de prévenir les risques psychosociaux susceptibles de menacer la santé mentale de leurs employés. Aux termes de son enquête, l’inspection du travail avait estimé que ces risques — bien connus de l’employeur — n’avaient pas fait l’objet d’une prévention adaptée. Des conclusions retenues par le tribunal, comme l’expose la juge :
« La Cnam était tenue de mettre en place des mesures de prévention des risques psychosociaux, ce qu’elle n’a pas fait. L’état de souffrance de la victime avait été signalé. Pour autant, la Cnam n’a pris aucune mesure pour prendre en compte cette souffrance au travail. »
La peine prononcée est partiellement conforme aux réquisitions du procureur qui, en plus des 50 000 € d’amende, avait réclamé la publication de la décision dans un journal national. Le magistrat avait estimé qu’il était « important d’informer la population que de mauvaises conditions de travail peuvent avoir des conséquences dramatiques [et] d’informer les employeurs que si l’on ne prend pas les mesures qui s’imposent pour protéger la santé de ses salariés, on s’expose à des sanctions ».
« Ce que vivent ces salariés n’est pas normal »
Bien qu’il regrette que la publication dans un journal national soit absente de la peine prononcée, Philippe Perearneau, délégué syndical et représentant du personnel, quitte la salle d’audience avec satisfaction :
« C’est la reconnaissance par la justice que ce que vivent les salariés du service médical n’est pas normal. Ce mode de management très autoritaire, directif et descendant peut faire des dégâts. »
En 2019, la Cnam avait procédé à une réorganisation majeure des antennes locales de l’Assurance maladie. Une réforme qualifiée « d’industrialisation des processus de travail » par le syndicaliste : « La perte d’autonomie, la qualité empêchée, la perte de sens… Les gens finissent par ne plus se retrouver dans leur travail », résume-t-il. Pour lui, comme pour les magistrats, cette condamnation revêt une valeur d’avertissement :
« Le tribunal l’a bien dit : le but est d’envoyer un signal à l’employeur pour que ces risques psychosociaux soient pris en compte correctement et que de véritables mesures de prévention soient mises en place. »
À l’heure de publier cet article, la Cnam n’a pas communiqué sur son intention de faire appel de la condamnation.